A LA CROISEE DES CHEMINS
L’histoire d’une nation, ce cheminement vivant et vivace, forge au fil du temps ses valeurs et façonne son identité ; les virages de cette méandre sublime que tissent les preux, épousentles contours des gloires et des déboires, des douleurs et des félicités du peuple ; elles’enracine dans la nuit des temps, pour faire sa gestation au fil des siècles, débouchersur le présent et se projeter sur l’avenir.
par Mohammed GUETTAF
L’histoire lumineuse de l’Algérie est source de sa force et le creuset de ses valeurs, elle reste le socle inébranlable de son identité et de sa pérennité parmi les nations du monde ; lorsque tonne l’hymne « Kassaman » et que flotte l’emblème si beau, les montagnes vibrent, le ciel s’illumine, les bêtes tendent l’oreille émues et intriguées, et les oiseaux s’arrêtent en plein vol.
Mais quand a commencé cette histoire uniquesi épique,chapelet constelléde lutteset de faits d’armes?Déjà, des ossements datant de de l’ère paléolithique depuis 500.000 ans avant JC,témoignent de la présence berbèresur le sol algérien. Depuis, ces berbères ou Amazigh, hommes libres et éternels combattants, se sont affirmés en tant que peuple et entité distincte sous différentes appellations età différentes époques.
De 15.000 à 9.000 ans avant JC, des civilisations Ibéro-maurosiennes se sont succédées en Algérie, suivies de la civilisation Capsienne qui dura jusqu’à l’âge du fervers 2.000 ans avant JC,qui vit la naissance des royaumesberbères des Gétules, des Garamantes et des Numides.
Quant aux phéniciens, commerçants d’origine libanaise, ils n’ont occupé que quelques comptoirs de négoce dans des villes côtières comme Carthage en Tunisie, en Sardaigne et en Espagne ;ils n’étaient nullement des conquérants et n’ont pas eu de colonies connues en Algérie.
Les numides, guerriers de nature, enchainaient bataille sur bataille pour repousser les différents envahisseurs, taillantl’histoire de l’Algérie à coups de glaive et de lances, se battant avec les cœurs et les bras, versant larmes, sueur et sang sur le sol algérien.
Vers deux siècles avant JC, le roi numide Massinissa, allié de Rome et de Scipion l’africain, avait triomphé durant la troisième guerre punique, envahissant Carthage et venant à bout de ses adversaires Syphax et Annibal.
Le monument érigé à Massinissa à El Khroub près de sa capitale Cirta, son temple à Dougga en Tunisie et les trois statues lui dédiées à l’ile de Delos en Grèce, témoignent de la grandeur de ce roi Amazigh.
Un siècle plus tard, l’autre roi numide Jugurtha qui avait refusé l’allégeance à Rome, fut vaincu et emprisonné par Rome, prélude à l’occupation de la Numidie par Rome. La Numidie devint royaume de Maurétanieavec Césarée comme capitale, gouvernée par les rois Juba I puis son fils Juba II, qui promut les sciences et la culture, érigea à son épouse Cléopâtre Séléné le mausolée du tombeau de la chrétienne à Tipaza, , et construisit des canaux et viaducs pour ramener l’eau de Mennaceur jusqu’à Césarée.
Le christianisme, nouvelle foi après le judaïsme, venait de naitre avec le prophète Jésus de Nazareth, et le numide Saint Augustin de Hippone, fut l’un de ses plus illustres disciples.
En 429 après JC, l’Algérie connut l’invasion des vandalesvenus de Scandinavie, jusqu’à ce qu’ils fussent chassés à leur tour avec l’aide de l’empereur byzantin Justinien I en 533 après JC.
Au VIIème siècle et après Jésus,apparût en Arabie le dernier des prophètes Mohamed, annoncé par tous ses prédécesseurs dans leurs livres, et les conquêtes musulmanes démantelèrent tous les empires de l’époque, répandant inlassablement la nouvelle foi dans toutes les contrées.
Aussi et en l’an 647 et malgré la faroucherésistance de la Kahina, la conquête musulmane conduite par Okba aboutit à la conversion totale de l’Algérie à l’Islam, et le socle berbère se renforça de l’apport arabo-musulman ;à leur tour,les maghrébins hissèrent la bannière des conquêtes de l’Islam et Tarik Ibnou Ziad conquérait l’Andalousie.
Tour à tour et jusqu’au XVème siècle, plusieurs Etats maures à capitales et frontières changeantes, se succédèrent au Maghreb, dont les royaumes florissants des Rostémides,des Idrissides, Fatimides,Zirides, Hamadides, Almoravides, Almohades, Mérinides, Abdelwadides et Hafsides.
Les Espagnols avaient occupé plusieurs ports de la côte Algérienne après la Reconquista de l’Andalousie jusqu’ en 1541, date de l’arrivée du califat musulman des Ottomans en Algérie.
Débute ainsi, la régence d’Alger, province autonome de l’empire Ottoman, avec l’avènement des corsaires algériens qui s’imposèrent comme les maîtres de la Méditerranée pendant plus de trois siècles.
La destruction de la flotte algérienne, en 1827 à Navarin en Grèce, par une coalition de croisés anglo-franco-russe commandée par l’amiral français Henri de Rigny, fut le prélude à la colonisation Française de l’Algérie en 1830.
La résistance à l’occupation fut menée par l’Emir Abdelkader de 1832 à 1847, relayée par plusieurs insurrections locales, dont celles de Fatma N’soumer la femme berbère, Cherif Lamdjed, Mokrani, Cheikh Haddad, Bouamama, Benchohra et Cheikh Amoud du Hoggar.
De noble descendance, l’Emir Abdelkader qui avait appris par cœur le saint coran dès son jeune âge et qui était à la fois exégète, poète, érudit en sciences des mathématiques, de l’astronomie, de la jurisprudence musulmane et du mysticisme soufi, maîtrisait parfaitement le métier des armes et l’art de la guerre. Il organisa l’armée, mit en place la fabrication des armes, frappa la monnaie et jeta les bases d’un état moderne ; Durant plus de dix-sept ans, il tint tête aux troupes coloniales, leur infligeant revers sur revers et les mettant en déroute,notamment à El-Maktaa et Ain-Brahim, et sa bravoure n’avait d’égal que son humanisme et son humilité.
Les sinistres généraux français Bugeaud, De Pélissier, De Lamoricière, ont perpétré des massacres atroces contre les populations autochtones durant ce qu’ils appelaient la pacification ; des tribus entières comme celle de Mezghenna dans la Mitidja, furent exterminées, et les mémoires laissés par ces criminels eux-mêmes, témoignent des massacres et des enfumades perpétrées à Laoufia en 1832, Ghar-Ferafiche en 1845, Zeâtcha en 1849, Laghouat en 1852, Djurdjura en 1857 et Sétif en 1945 entre-autres.
Les chefs de la résistance populaire capturés étaient décapités, et leurs crânes sont encore conservés au musée par une France macabre ; les autres étaient déportés par milliers au bagne en Nouvelle-Calédonie, pour ne plus en revenir.
La résistance ne s’était pas éteinte, jusqu’à la naissance du nationalisme algérien moderne en 1920, qui connut plusieurs étapes, de l’intégration à la lutte armée, de l’étoile nord-africaine, en passant par le MTLD, le PPA jusqu’à l’OS et le FLN.
Durant la deuxième guerre mondiale, et après l’invasion de la France par la Wehrmacht, l’Afrique du Nord contribua grandement à former l’Armée de la France Libre, et alors que les Alliés, en un si long et pénible jour débarquaient en Normandie, la troisième Division d’Infanterie Algérienne prenait l’ennemi à revers par le sud et libérait l’Italie.
Les évènements sanglants du 08 mai 1945 ont précipité le déclenchement de la guerre de libération Nationale du 1er novembre 1954, qui a abouti le 05 juillet 1962 à l’Indépendance Nationale, au prix de grands sacrifices.
En pleine guerre d’indépendanceet le 13 février de l’an 1960à Regane, la France avait fait exploser une bombe nucléaire d’une puissance inouïe, détruisant tout l’écosystème de la région,semant la mort et la désolation, et dont les séquelles néfastes des retombées nucléaires demeurent à ce jour.
Durant la guerre de libération, de jeunes génies issus des campagnes n’ayant fréquenté aucune Académie militaire, déroutèrent les généraux chevronnés, leur donnant les plus grandes leçons de stratégie et de bravoure, parmi eux,Larbi Ben M’hidi.
Né à l’est du pays, ayant grandi au sud, déclenché la révolution armée à l’ouest et dirigé la bataille d’Alger au centre, Ben M’hidi a été la cheville ouvrière de la révolution algérienne; visionnaire et grand stratège, il avait très tôt prédit à ses compagnons de la Toussaint : »Mettez la révolution dans la rue, et vous la verrez reprise par douze millions d’hommes. » ;lâchement assassiné en captivité, son sourire auguste et lumineux devant la mort, rayonnera encore et toujours sur l’Algérie.
Le 05 juillet 1962 ne tarda point à poindre, et les valeureux combattants de l’ALN, défilèrent fièrement dans les allées des villes d’Algérie dans la liesse populaire, au milieu des you-yous et des drapeaux verts et blancs maculés du sang encore vif du Chahid.
Aujourd’hui, la construction de l’état moderne algérien se poursuit inlassablement, et l’Algérie forte de ses luttes ancestrales et de son histoire séculaire, consolide sa souveraineté et son indépendance dans un environnement géopolitique agité.
Se trouvant au carrefour des civilisations et jouissant d’une position géographique privilégiée, aux portes de l’Afrique et dominant la méditerranée, avec un territoire continental et des ressources incommensurables, un peuple uni et des valeurs séculaires, l’Algérie demeure aujourd’hui un pays pivot important, dans un monde agité et parmi des ensembles aux valeurs et aux intérêts contradictoires.
Dans le voisinage immédiat de l’Algérie, la France est enproie aux contestations et aux difficultés économiques, dans une Europe mise à nu par le brexit, la guerre russo-ukrainienne et le désengagement des USA ; livrée à l’extrême-droite majoritaire qui attise les conflits sociaux et prône le racisme et l’islamophobie, la France, qui avait jadis assis son identité sur une culture et des enfantisques sans distinction de race ni de religion, se trouve de ce fait confrontée à une crise identitaire sans précédent ;en Afrique, sa politique néocoloniale néfaste vis-à-vis de ses anciennes colonies a contribué à la faire honnir.
Dans le monde arabe, le décalage est criard entre les peuples arabesque divisent par les dogmes, et des régimes scélérats qui ont trahi la cause palestinienne.
Au Sahel,vaste zone stratégique au sous-sol riche, les grandes puissances mènent une activité insidieuse, renversant des régimes faibles et les remplaçant par des juntes,soudoyant les seigneurs de guerre comme Haftar et H’midti,parrainant le mercenariat,armant les différentes factions, encourageant le terrorisme, le trafic de drogue, la contrebande et l’orpaillage. Cette activitécondamnable, dans laquelle baignentcertaines monarchies arabes,menace sérieusement les frontières sud algériennes.
Le conflit en Libye divisée persiste, tiraillée qu’elle est entre les grandes puissances, l’Egypte, la Turquie et les EAU, à cause de sa position, son pétrole et l’immense gisement de gaz du bassin oriental de la méditerranée ;
Les conflits en Syrie et au Yémen, seul pays arabe à combattre encore pour la Palestine, les troubles en Irak et au Liban, sont tous nés du schisme entre les dogmes chiite et sunnite parrainés coupablement par l’Iran et l’Arabie Saoudite d’une part, et du bellicisme de l’entité sioniste d’autre part , en un imbroglio sans fin ; la question palestinienne ayant été diluée etla résistance mise au ban, l’entité sioniste commet le plus atroce génocide de l’histoire humaine à Gaza, œuvrant, à concrétiser sous le parrainage des USA,son projet du siècle, avec lesilenceinquiétant des monarchies du golfe et de l’Egypte, que le barrage de la renaissance en Ethiopie risque d’hypothéquer l’existence ; au Maghreb, le Makhzenpourtant en faillite,mène une politique de répression tant au Sahara occidental que contre son propre peuple, en cherchant toujours noise àson voisin de l’est.
En Amérique latine, continent de Simon Bolivar et Emiliano Zapata, les vestiges de la guerre froide persistent, et les régimes progressistes qui narguent encore les USA dans leur fief, font face à des crises économiques et des soulèvements populaires fomentés par leur puissant voisin du nord.
En Asie, les nouveaux dragons, l’Inde et la Chine, continuent leur ascension dans la discrétion, après avoir atteint une démographie exponentielle faisant contrepoids au reste du monde ; cependant,l’Inde,des suites à un différend frontalier, vient d’être sévèrement rappelée à l’ordre par le Pakistan dans une guerre-éclair ; quant aux deux Corées, chacunepersévère dans une voie différente, celle du Sud dans les technologies avancées et celle du Nord dans l’armement stratégique, restant toujours une puissance nucléaire et balistique irréductible pour l’occident ; la Russie, amputée de ses alliés de l’est par un occident hégémonique, demeure toujours la première puissance militaire, mais elle semble avoir changé sa doctrine traditionnelle, pour s’impliquer davantage outre-mer, particulièrement au Moyen-Orient et en Afrique.
Dans cet échiquier bouleversé, où l’équilibre s’avère précaire, les puissances cherchent à se positionner pour trouver des débouchés énergétiques et établir de nouvelles alliances militaires et économiques ; l’arme nucléaire, autrefois dissuasive, devient une menace mutuelle pour des camps souvent antagonistes.
Quant à la menace extérieure pour l’Algérie, et même si elle demeureimprévisible, l’Armée Nationale Populaire continue à seprofessionnaliser pour parer aux menaces transfrontalières déjà identifiées, loinde tout bellicisme et en adéquation avec sa doctrine de posture défensive.
L’Algérie demeure uneforteresse inexpugnable, forte de son histoire et de ses valeurs, riche par ses ressources,son peuple et sa jeunesse, et elle œuvre à se frayer une place parmi cette cohortehétérogène et souvent hostile, en trouvant à chaque fois la force nécessaire pour absorber les chocs extérieurs, se transcender, se développer et préserver sasouveraineté, tout en initiant sa traditionnelle politique de paix, de concorde et de non-ingérence.
L’Afrique, prolongement naturel de l’Algérie, qui a longuement souffert durant la nuit coloniale, s’éveille et prend consciencedes méfaits du néocolonialisme, mais le chemin reste encore long pour atteindre le développement et l’unité interafricaine.
Se trouvant à la croisée des chemins et au carrefour des civilisations, à la fois berbère, arabe, musulmane, africaine et dont le devenir reste lié à l’humanité entière, elle refuse que le monde soit régi par des rapports de force, la discrimination ethnique, culturelle et religieuse, et elle œuvre à préserver la dignité et les nobles valeurshumaines.