PARTI REPUBLICAIN: L’héritage empoisonné de Donald Trump

C’est net, franc, incontestable : Joe Biden a gagné l’élection présidentielle américaine. 306 grands électeurs contre 232, presque 7 millions de voix d’écart au niveau national, 51 % des suffrages contre 47,1 %. Même si le président sortant multiplie les recours juridiques (déboutés), invente des fraudes (inexistantes), tente d’empêcher les États de proclamer leurs résultats (sans succès), il quittera la Maison Blanche le 20 janvier, aigri et revanchard, tel un sale gosse refusant d’avoir perdu la partie. L’important pour la suite de l’histoire, ce n’est pas le destin de ce président autocrate qui va faire face à de nombreuses poursuites judiciaires, mais celui de ses héritiers, notamment du parti républicain qu’il a phagocyté. 73 millions d’Américains ont voté pour lui (un record !). Ils sont loin de former un groupe homogène. Outre le noyau d’inconditionnels pro-Trump, suprémacistes arc-boutés contre l’explosion de la diversité démographique, évangéliques rigoristes refusant l’émancipation des corps et des modes de vie, il y a bien des conservateurs traditionnels qui n’apprécient guère l’homme mais partagent une « certaine idée de l’Amérique » : ils se méfient des débordements de l’État fédéral, craignent le « socialisme » des démocrates (trop de règles, trop d’impôts) et estiment que l’on réussit dans la vie en se battant et non en étant assisté (d’où le rejet viscéral des contraintes sanitaires liées au Covid). L’énorme soutien à Donald Trump s’explique en partie par cette dérive : de l’attachement à la liberté individuelle des origines, lentement civilisée au fil du temps, on est revenu à un individualisme forcené, un « chacun pour soi » sans pitié comme « au bon vieux temps ». Cette vision de cow-boy, exaltée par un leader brutal, toujours l’insulte à la bouche, a gangrené le camp républicain.

Une voie populiste facile et tentante

Au lieu de cultiver ses valeurs classiques (libre échangisme, orthodoxie budgétaire) et ses anciens héros (tel Ronald Reagan), le Grand Old Party, pétrifié à l’idée de perdre l’électorat de Donald Trump, préfère flatter les bas instincts. De compromissions en allégeances, renonçant aux débats et aux compromis, le parti s’est dégradé en une officine quasi mafieuse au service d’un parrain. Donald Trump ne porte pas un projet politique. Le « trumpisme » n’existe pas. Il n’y a que le populisme, cette vieille boîte à outil de méthodes démagogiques accommodées à la sauce américaine : menaces, mensonges, cynisme, culte de l’homme fort… Des recettes très efficaces pour capter un électorat crédule ou fragile que le parti démocrate, lui-même entravé par son aile gauche en proie à de dangereuses dérives communautaires et identitaires, a déçu et perdu : le monde ouvrier, rural, une partie de la classe moyenne qui se sent délaissée… La voie populiste est facile et tentante : si les élus républicains des villes et des États ne l’ont pas tous suivie, à Washington seule une poignée de sénateurs et de représentants républicains ont osé reconnaître le résultat des urnes et se ranger ainsi du côté de la démocratie. Leurs collègues ont lâchement évité de se prononcer pour ne pas mécontenter Trump, et certains ont déjà adopté son langage incendiaire. Prêts à tout pour assurer leur carrière et garder la majorité au Sénat (qui dépend du résultat des sénatoriales de Géorgie en janvier), la plupart se sont ainsi enfermés dans un piège mortifère. Quelle que soit son attitude après son départ, Donald Trump a réussi à instiller un dangereux poison qui ronge la classe politique. À moins d’un sursaut démocratique…

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