Accords d’Evian: les objectifs fondamentaux de la Révolution algérienne réalisés
Les accords d’Evian, négociés par une délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et signé le 18 mars 1962, ont permis à l’Algérie de réaliser les trois objectifs fondamentaux pour lesquels la Guerre de libération nationale a été déclenchée le 1er Novembre 1954: indépendance totale, sauvegarde de l’unité de son peuple et intégrité de son territoire.
Elles constituent en cela une victoire éclatante pour le peuple algérien et son représentant légitime à ces négociations, le Front de libération nationale (FLN).
Dès le déclenchement de la lutte de libération, en 1954, le FLN appelle la France à des négociations sans conditions préalables, en vue de l’indépendance de l’Algérie et mettre fin à 132 années de colonisations au cours desquelles les Algériens sont réduits au statut d' »indigènes ». La réponse du gouvernement français de l’époque est brutale et se traduit par une intensification de la répression.
Cette position s’infléchit avec le temps, les autorités françaises se rendant compte de la détermination irréductible du peuple algérien à arracher sa liberté et son indépendance.
Des premiers contacts sont alors établis entre le FLN et le gouvernement français en 1956 mais sont interrompus suite au détournement de l’avion transportant cinq dirigeants historiques de la Révolution. Ils reprennent en 1957, puis en 1958, mais sont une nouvelle fois suspendus avec la chute de la Quatrième République française et le retour du général de Gaulle au pouvoir pour « sauver l’Algérie française ». Mais ce dernier finit par admettre le principe de l’autodétermination de l’Algérie.
Echec des manœuvres françaises autour du Sahara algérien
Le 16 juin 1961 débutent les premières négociations officielles a Evian-les-Bains, une station thermale du centre de la France. La délégation algérienne est conduite par Krim Belkacem, alors que le gouvernement français est représenté par le ministre Luis Joxe. Cinq points sont à l’ordre du jour de ces négociations: cessez-le-feu, organisation d’un référendum d’autodétermination, statut de la minorité européenne en Algérie, le Sahara, les essais nucléaires français et la base militaire de Mers el Kébir (Oran).
La question fondamentale du Sahara, que la France veut séparer du reste du territoire algérien, oblige les représentants du GPRA à suspendre les négociations, qui reprennent en septembre de la même année, après l’échec des manœuvres françaises autour de cette partie intégrante du territoire national.
Le dernier round de ces négociations, qui dure 12 jours (du 7 au 18 mars), se tient à Evian après l’approbation par le Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), réuni à Tripoli, du pré-accord conclu en février 1961 aux Rousses (Est de la France, à la frontière avec la Suisse).
L’accord de cessez-le-feu, intervenu à la suite de la signature officielle des accords d’Evian, stipule la fin des opérations militaires et toute action armée à partir du 19 mars 1962 à 12h00 sur l’ensemble du territoire algérien et la tenue d’un référendum d’autodétermination le 1er juillet, lors duquel les Algériens votent massivement en faveur de l’indépendance.
Les accords d’Evian prévoient aussi des mécanismes pour organiser la période de transition devant servir à préparer la consultation référendaire dans de bonnes conditions. C’est ainsi qu’il est décidé l’institution d’un exécutif provisoire chargé d’assurer la gestion des affaires publiques propres à l’Algérie durant cette période. Cette institution qui siège à Rocher-Noire (Boumerdes) est présidé par Abderrahmane Fares.
Ces accords comportent également des dispositions relatives à la libération des détenus et des prisonniers (dans un délai maximum de vingt jours à compter du cessez-le-feu) et au retour des réfugiés.
Durant la période de transition, l’OAS (organisation armée secrète, proche de l’extrême droite française) multiplie les attentats et les exactions pour saboter les accords, pratiquant la politique de la terre brûlée.
Autre clause des accords d’Evian, le statut des Français en Algérie après l’indépendance. Les deux parties parviennent à un accord accordant un délai de trois ans aux Français pour choisir la nationalité algérienne ou garder leur nationalité française et être traités conformément aux lois qui régissent les étrangers en Algérie.
S’agissant de la Base navale de Mers El-kébir, il est convenu d’accorder une concession de 15 ans à la France. En définitive, la France évacue Mers El-Kébir en 1967 avant l’expiration du délai de concession.
Les crimes coloniaux « occultés » dans le rapport de Benjamin Stora
La commémoration de ces accords intervient cette année dans le contexte de la relance du dossier de la mémoire sur la période de la colonisation et la Guerre de libération. Alger et Paris ont désigné chacun un représentant pour résoudre de manière concertée les désaccords liés à cette question en vue de parvenir à des relations apaisées et équilibrées. L’objectif n’est cependant pas une écriture commune de l’histoire.
Le directeur général des Archives nationales, en charge du dossier de la mémoire, Abdelmadjid Chikhi, a affirmé sans ambigüité que l’écriture commune de l’histoire entre les deux pays « n’est ni souhaitable, ni possible », tout en formulant le vœux que des avancées soient réalisées, notamment la reconnaissance par la France des crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis durant la colonisation.
Côté français, l’historien Benjamin Stora a remis, en début d’année, à la demande du président Emmanuel Macron, un rapport sur la question de la mémoire, dont le contenu est apparu, de l’avis de nombreux d’observateurs, « en deçà des attentes ».
Réagissant à la publication de ce rapport, le secrétaire général par intérim de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Mohand Ouamar Benelhadj, a estimé que le document a « occulté » les crimes coloniaux et tenté de résumer le dossier de la mémoire dans le cadre d’une célébration symbolique pour éluder la question de la reconnaissance de ces crimes.
Le dossier de la mémoire renferme également la question des essais nucléaires dans le sud algérien et la restitution des archives.
Sur le premier point, la position de l’Algérie est que la France doit « assumer ses responsabilités historiques » à travers la décontamination des sites des essais nucléaires effectués dans le Sahara algérien et l’indemnisation des personnes souffrant de pathologies conséquentes à ces essais (cancers de tous types, malformations congénitales et stérilité dus à la radioactivité).
Dix-sept essais nucléaires ont été effectués par la France dans le sud de l’Algérie (4 en surface à Reggane et 13 souterrains à In Ekker). Les essais en surface effectués à Reggane ont causé la pollution d’une grande partie du Sud algérien, déplorent des experts.
A propos de la restitution des archives, Abdelmadjid Chikhi a indiqué que l’Algérie réclamait « la totalité » de ses archives transférées en France, car faisant partie de son Histoire.
L’Algérie ne renoncera jamais à sa mémoire
En juillet dernier, l’Algérie a récupéré les restes mortuaires de 24 résistants algériens restés 170 ans conservés au Musée d’histoire naturelle de Paris.
Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, avait alors souligné la détermination de l’Etat algérien à « poursuivre l’opération jusqu’au rapatriement de l’ensemble des restes des résistants algériens se trouvant à l’étranger pour qu’ils soient enterrés sur la terre pour laquelle ils se sont sacrifiés ».
Lors d’une entrevue avec des responsables de médias nationaux diffusée récemment, le Président Tebboune a affirmé que de « bonnes relations de l’Algérie (avec la France) ne sauraient être au détriment de l’Histoire ou de la mémoire ».
« Nous ne renoncerons jamais à notre mémoire qui ne peut faire l’objet de marchandage mais les choses doivent se régler intelligemment et sereinement », a-t-il soutenu.