Trump et Gaza : Une Provocation Calculée pour Imposer son Agenda

Donald Trump n’a jamais négocié comme un diplomate. Il négocie comme un promoteur immobilier qui veut un terrain convoité : il commence par tout réclamer, puis il impose son propre cadre aux discussions.
Aujourd’hui, son projet pour Gaza suit exactement ce schéma. Une annonce choquante, irréalisable en l’état, mais qui fixe immédiatement les termes du débat. Expulser 1,8 million de Palestiniens ? Les envoyer en Égypte ou en Jordanie ? Déployer des troupes américaines pour sécuriser la zone ? Construire une « Riviera du Moyen-Orient » ?
On pourrait croire à une provocation, mais c’est bien plus que cela. C’est une stratégie qui vise à imposer un rapport de force et à redéfinir les termes de la discussion sur l’avenir de Gaza.

Un coup de force pour imposer son propre jeu

Trump sait parfaitement que ni l’Égypte ni la Jordanie n’accepteront un déplacement forcé des Palestiniens. Il sait que l’ONU et l’Europe dénonceront une telle approche. Mais il sait aussi que toute opposition devra désormais s’exprimer à travers son cadre, transformant le débat de « Quelle solution pour Gaza ? » à « Quelle alternative au plan Trump ? »
C’est une méthode qu’il a souvent utilisée dans ses négociations internationales : placer la barre très haut, avec une proposition radicale, pour ensuite pousser ses interlocuteurs à rechercher un compromis qui, même en apparence plus modéré, lui reste favorable.
Dans le contexte du conflit israélo-palestinien, cette stratégie crée une pression sur les acteurs régionaux et internationaux. Les pays directement concernés, en particulier ceux du monde arabe, doivent désormais réagir et proposer une vision alternative crédible.

Un plan qui force les capitales arabes à se positionner

L’Égypte et la Jordanie ont immédiatement rejeté toute idée d’accueillir des réfugiés palestiniens. Mais l’important pour Trump n’est pas une acceptation immédiate. Il veut forcer ces États à s’impliquer dans la gestion future de Gaza, d’une manière ou d’une autre.
En affirmant que les États-Unis pourraient jouer un rôle direct dans l’administration de Gaza, il introduit une nouvelle dynamique où chaque acteur doit choisir entre répondre à son initiative ou subir une nouvelle donne imposée.
Cette approche place également d’autres pays arabes dans une position délicate. Les monarchies du Golfe, qui ont récemment normalisé leurs relations avec Israël, peuvent difficilement ignorer une telle évolution sans risquer de perdre en crédibilité auprès de leurs opinions publiques.
D’un autre côté, des pays comme l’Algérie, qui ont toujours insisté sur une approche fondée sur le droit international et le respect des résolutions de l’ONU, voient ici un risque majeur de marginalisation du cadre multilatéral au profit d’un rapport de force dicté par Washington et Tel-Aviv.

Derrière la provocation, une volonté de remodeler Gaza

Si le plan Trump semble excessif dans sa formulation initiale, il cache des objectifs stratégiques clairs :
1. Éliminer toute force politique ou militaire pouvant résister à l’influence américano-israélienne dans la bande de Gaza.
2. Créer un nouveau cadre économique sous influence, où Gaza ne serait plus un fardeau sécuritaire mais une opportunité d’investissement.
3. Forcer les acteurs régionaux à accepter une nouvelle réalité où les États-Unis et Israël conservent une influence décisive sur le territoire.
L’idée d’une « Riviera du Moyen-Orient » n’est pas anodine. Elle vise à transformer Gaza en un projet économique dépendant de capitaux extérieurs, ce qui permettrait d’en garder le contrôle sur le long terme sans avoir besoin d’une occupation militaire directe.

Quelle place pour l’Europe et l’ONU ?

En plaçant les États-Unis au centre de la discussion, Trump relègue l’Europe et l’ONU à un rôle secondaire. Ces dernières années, il a démontré qu’il pouvait contourner les institutions multilatérales pour imposer sa propre vision.
Cette marginalisation pose une question fondamentale : les puissances européennes et les Nations Unies peuvent-elles encore peser dans la résolution du conflit israélo-palestinien, ou assiste-t-on à un basculement où seules les puissances régionales et Washington auront un mot à dire ?
Les récentes déclarations du président algérien Abdelmadjid Tebboune dans son interview à L’Opinion traduisent cette préoccupation : « Nous avons toujours plaidé pour une solution fondée sur le droit international et le respect des résolutions de l’ONU. »
Dans un contexte où certains acteurs internationaux tentent d’imposer une nouvelle approche fondée sur le fait accompli, la question reste de savoir si une alternative diplomatique peut encore émerger.

Le chaos comme outil de négociation

Trump sait que son initiative va provoquer une levée de boucliers. Mais il parie sur le fait que, face au désordre et à l’absence de consensus, sa vision finira par s’imposer comme la seule base de négociation possible.
Sa méthode repose sur plusieurs étapes :

1. Il propose une solution extrême pour déplacer le centre de gravité du débat.
2. Il force les acteurs régionaux à réagir, créant une dynamique où ils doivent s’impliquer malgré eux.
3. Il écarte progressivement l’ONU et l’Europe, réduisant leur capacité d’influence.
4. Il obtient un compromis final qui, bien que moins radical que son projet initial, réalise l’essentiel de ses objectifs.
C’est une approche risquée, mais qui lui a souvent réussi. La question est de savoir si cette fois, les réactions régionales et internationales seront suffisamment fortes pour contrer cette dynamique avant qu’elle ne devienne irréversible.

Un point de bascule pour le Moyen-Orient

Avec ce plan, Trump ne se contente pas de chercher une issue pour Gaza. Il veut redéfinir la carte des rapports de force dans la région.
Sa stratégie repose sur un pari : celui que les réactions internationales resteront divisées, permettant aux États-Unis et à Israël d’imposer un nouveau cadre de négociation.
Mais les événements récents ont montré que les dynamiques régionales sont plus complexes que par le passé. L’évolution de la situation dépendra de la capacité des pays concernés à formuler une alternative crédible, qui prenne en compte à la fois les intérêts des Palestiniens et la nécessité d’un cadre de stabilité pour l’ensemble du Moyen-Orient.
Ce qui est certain, c’est que Trump, fidèle à lui-même, ne cherche pas un compromis équilibré. Il veut imposer une nouvelle réalité, dans laquelle ses adversaires devront se battre pour limiter les dégâts.
La réponse du monde arabe et de la communauté internationale déterminera si cette stratégie réussira, ou si elle marquera le début d’un nouvel affrontement diplomatique aux conséquences imprévisibles.

Contribution : Lotfi Yagoubi

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