Le Théâtre d’Oran rend hommage à Abdelkader Alloula: « Pour que nul n’oublie »
Ecrivains, journalistes, associations, auteurs de pièces théâtrales, et bien d‘autres personnalités gravitant autour du monde de la Culture, ont répondu à l’appel du Théâtre régional d’Oran « Abdelkader Alloula » et son infatigable directeur, Mourad Senouci en l’occurrence, pour rendre hommage au monstre sacré du théâtre dont la reconnaissance a dépassé les frontières du pays, l’acteur, l’auteur dramatique et metteur en scène Abdelkader Alloula, lâchement assassiné le 10 mars 1994 à Oran alors qu’il se rendait au palais de la Culture pour y donner une conférence. Les balles assassines avaient pour but de museler tout ce qui symbolisait la liberté de penser, ce qu’incarnait pour toute une génération, l’homme de culture algérienne.
C’est donc bien plus qu’un hommage mais une réponse des années après, à l’obscurantisme pour dire « Non Abdelkader Alloula, ses idées et ses œuvres sont restées tel un héritage aux générations à venir. Et c’est à travers cet hommage qu’en véritable chef d’orchestre, Mourad Senouci, Directeur du TRO, tente de combattre l’oubli et l’amnésie et la multitude de personnalité du monde de la Culture qui ont répondu à cet appel, confirme la noblesse de tout un combat. De mémoire de journaliste, jamais, un hommage n’a pris une telle ampleur, c’est dire que tous attendait un tel mouvement et ce n’est qu’une façon de Dire à Abdelkader Alloula « Non à l’oubli »
Intenses activités pour le mois de mars
« A l’occasion du 30e anniversaire de la disparition de Abdelkader Alloula, Le théâtre régional d’Oran, organise durant tout le mois de mars à venir, de nombreuses activités dont des pièces de théâtre, des conférences sur la vie de Abdelkader Alloula et de nombreuses autres interventions en hommage au monstre sacré. Suite à l’appel du directeur du Théâtre d’Oran, d’illustres noms du théâtre, des écrivains, des journalistes ainsi que de nombreuses associations culturelles, ont confirmé leur présence durant ce mois d’hommage. Des associations d’el Bayadh, de Setif de Sidi Belabbes ont tenu à participer à cette noble initiative avec toute la symbolique qu’elle englobe.
Le 10 mars 1994, lâche assassinat de Abdelkader Alloula
Il nous a paru utile de revenir pour les jeunes générations sur ce qui s’est passé pour tenter de comprendre le but de cet hommage
Abdelkader Alloula, un monument de la culture algérienne, fut assassiné le 10 mars 1994, par deux terroristes, alors qu’il se rendait au Palais de la culture d’Oran pour une conférence qu’il devait donner.
C’était un jeudi soir d’un mois de mars sanglant, à la fin du ramadan. Les balles meurtrières du terrorisme visaient et atteignaient les meilleurs enfants de l’Algérie, ses têtes pensantes, ses éveilleurs de conscience.
Abdelkader Alloula, le dramaturge au talent inépuisable avait rendez-vous avec son public pour une conférence sur le théâtre. Sorti de chez lui vers 20h30, il se rendait au Palais de la culture d’Oran, un peu avant l’heure de la rencontre. Une rencontre qui n’aura pas lieu… Non loin de chez lui, dans la rue de Mostaganem, deux terroristes l’attendaient, probablement depuis des heures. Deux balles tirées dans la nuque. C’était il y a 26 ans…
Alloula, malgré toute la haine de l’obscurantisme, fait partie de ces hommes immortels. Il a légué à la postérité bien plus que des pièces de théâtre, une façon de faire du théâtre. Avec engagement et humilité.
Alloula pour répondre à une question sur pourquoi il écrivait ? il répondit « Pour notre peuple, avec une perspective fondamentale : son émancipation pleine et entière. Je veux lui apporter, avec mes modestes moyens et à ma manière, des outils, des questions, des prétextes, des idées avec lesquels, tout en se divertissant, il trouve matière et moyens de se ressourcer, de se revitaliser pour se libérer et aller de l’avant. En fait, j’écris et je travaille pour ceux qui travaillent et qui créent manuellement et intellectuellement dans ce pays ; pour ceux qui, souvent de façon anonyme, construisent, édifient, inventent dans la perspective d’une société libre, démocratique et socialiste. Mes héros sont des gens de tous les jours, des gens du commun, ceux qui, en fait, font et défont la vie de tous les jours. »
Dramaturge, acteur, metteur en scène, Alloula c’est surtout plus de trente années vouées au théâtre populaire. Avec une quête et une réflexion à travers l’utilisation du patrimoine culturel populaire, dont le but était de créer un nouveau genre théâtral plus percutant pour le spectateur. Un théâtre qui attirerait « les petites gens », qui parlerait leur langage et les représentait pour mieux les éveiller.
C’est dans ce sens qu’Alloula privilégiait la halqa (la ronde des spectateurs autour du conteur, notamment sur les places de marché dans la pure tradition maghrébine). Et il en usait avec la belle langue arabe populaire de nos aïeux, aux mots profonds, aux résonnances poétiques et aux sens incisifs. Le meilleur exemple : la trilogie des Généreux avec El Agoual (Les Dires, 1980), El Adjouad (Les Généreux, 1985) et El Litham (Le Voile, 1989).
Considéré en Algérie comme l’un des plus populaires dramaturges algériens, ses pièces sont écrites en arabe populaire, langue et culture qu’il défendait1. Il a écrit entre 1969 et 1993 dix pièces théâtrales, a joué dans plusieurs films et spectacles, a mis en scène des pièces de Rouiched, Tawfiq El Hakim et Maxime Gorki. A également adapté des pièces de Nikolas Gogol, Aziz Nesin et Carlo Goldoni.
Zitouni Mustapha