ETATS UNIS: Donald Trump à 2 mois de la présidentielle américaine
Il veut imposer un récit où il est la solution à la menace: l’Amérique sera “assiégée de l’intérieur” si les démocrates gagnent, ce sont des extrémistes, lui est le gardien de la civilisation. Un référendum pour ou contre Trump. Voilà l’alternative que le président-candidat propose à l’électorat américain le 3 novembre prochain. C’est donc un style politique et un projet de société, plus qu’un programme, qui sont soumis au vote. La convention républicaine qui vient de s’achever a été qualifiée par le Washington Post de “moment de divertissement pour les fans” de Trump. Mais au-delà du show de téléréalité à la gloire du président en exercice, la séquence qui s’achève est riche d’enseignements sur le fond. D’une part, le parti républicain est en ordre de bataille derrière Donald Trump, lequel est parvenu, en un peu plus de trois ans, à en faire une organisation plébiscitaire –ce qui n’était pas gagné en 2016. On assiste presque à un culte du chef, et les quelques voix discordantes parmi les leaders du parti sont peu audibles. Si le programme reste évasif, le projet de société est inchangé. Comme en 2016, il fait référence avant tout à la sécurité et à l’identité menacée de la nation. Cela ne signifie pas que l’ensemble des sympathisants républicains adhèrent à l’action et à la communication de Trump –comme l’illustre par exemple le Lincoln Project–, mais au plus haut niveau de responsabilité (sénateurs, représentants, cadres du parti, etc.), tout le monde est rentré dans le rang. En témoigne en particulier le fait que le parti n’a pas rédigé de nouvelle “plateforme”, autrement dit de programme, en vue de l’élection du 3 novembre, comme c’est l’usage. Il s’est contenté de reprendre celle de 2016 en la mettant au goût du jour de la Covid-19 (“trouver un vaccin avant la fin de 2020″, “créer dix millions d’emplois en dix mois”, etc.). Trump aura donc réussi le tour de force de faire du Grand Old Party “son” parti, et il y sera parvenu non par son pouvoir de conviction quant à un agenda novateur ou visionnaire, mais par la menace et la peur. Insultes sur Twitter, campagne de dénigrement en circonscription, possibilité de se voir opposée, dans les primaires, une candidate plus à droite… Le risque d’être décrédibilisée par un président auquel n’aurait pas été assurée une loyauté totale en a dissuadé plus d’une de le critiquer publiquement, voire d’afficher une simple divergence. D’autre part, si le programme reste évasif, le projet de société, lui, est inchangé. Comme en 2016, il fait référence avant tout à la sécurité et à l’identité menacée de la nation. Lorsque Donald Trump affirme que Joe Biden et les démocrates mettront en péril l’American way of life, il s’adresse à une partie du pays bien précise: celle qui a peur du changement démographique et de l’immigration, qui est attachée au libre port d’armes, qui rejette les régulations économiques pour préserver l’environnement et les politiques sociales (sauf Medicare car cette Amérique-là en bénéficie), qui redoute le féminisme et l’anti-racisme. Une Amérique blanche et patriarcale mythifiée, telle qu’elle a peut-être existé dans les années 1950.
L’Amérique plurielle et l’Amérique de Trump
Mais les États-Unis de 2020 ne s’y résument pas. Les États-Unis de 2020 sont une société plus multiculturelle que jamais, sensible en grande partie (y compris chez les républicains, sans parler des indépendants) au racisme systémique et aux revendications de #MeToo, et qui vit quotidiennement les effets du dérèglement climatique (assèchement des fleuves, ouragans, sécheresse). Parmi les seniors de plus de 65 ans, quel que soit le bord politique, la gestion de la Covid-19 par le président est jugée majoritairement mauvaise. Quant à l’électorat féminin conservateur, il s’est beaucoup détourné de Trump dès les élections de mi-mandat de novembre 2018, au point que le fossé qui sépare aujourd’hui Biden de Trump dans les enquêtes d’opinion atteint 20, voire 25 points parmi les femmes (toutes catégories sociales et origines confondues), ce qui est considérable (il est de 10 à 15 points chez les hommes, au profit de Trump). Le vote Trump sera-t-il genré? Sans aucun doute. Le président a construit un pouvoir viriliste dans le style, la communication et l’iconographie autant que dans l’agenda social, sanitaire, économique et diplomatique. C’est un parti pris assumé, mais risqué.