Algérie-France : la question de la mémoire doit être traitée dans le cadre d’un dialogue d’Etat à Etat

Le président du Conseil de la Nation, Salah Goudjil, a affirmé que la question de la mémoire relative à la période coloniale doit être traitée dans le cadre d’un dialogue d’Etat à Etat (Algérie et France), indépendamment des personnes, des groupes et autres cercles, nécessitant une lecture objective et non conjoncturelle de l’Histoire.

« Le dossier de la mémoire a toujours constitué une donnée importante dans les relations entre les deux pays » et « un règlement juste de ce lourd dossier exige de considérer l’Histoire à sa juste nature, c’est-à-dire un processus permanent qui ne saurait être compartimenté en des périodes tout comme ne pourrait l’être la période d’occupation coloniale de l’Algérie allant de 1830 au 5 Juillet 1962 », a indiqué  M. Goudjil dans un entretien au journal L’Expression.

« Cela nécessite une lecture objective et non conjoncturelle de l’Histoire qui serait à même d’aider les deux pays à transcender les séquelles du passé douloureux », a-t-il estimé, ajoutant que le dossier doit être traité de « manière globale ».

Il a, à cette occasion, rendu hommage au président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui a décrété la journée du 8 Mai, Journée nationale de la mémoire, « afin que les sacrifices des chouhada ne sombrent pas dans l’oubli ».

Concernant la partie française, il a indiqué que « le président Macron a eu le courage de faire des pas importants sur le chemin de la réconciliation des mémoires en disant que la colonisation était un crime contre l’humanité et en montrant un esprit très réceptif et compréhensif, notamment par rapport à la requête algérienne en relation avec le rapatriement des crânes des résistants algériens contre la France coloniale ».

« Seulement, il faut le dire sereinement, (…) le chemin est encore long pour arriver à une totale réconciliation des mémoires », a-t-il soutenu.

Néanmoins, a-t-il rappelé, le travail fait par les Français (rapport de Benjamin Stora remis au président Macron) s’est limité à la période 1954-1962 occultant plus de 125 ans d’avilissement du peuple algérien, de génocide, d’acculturation et de tentatives d’effacement de son identité, c’est-à-dire la période de 1830 à 1954″, éludant également « beaucoup de questions importantes, notamment celle de la reconnaissance des crimes du colonialisme et la question des excuses ».

M. Goudjil a, dans ce sens, mis en avant la question des essais nucléaires français effectués lors de la colonisation au Sahara algérien et les conditions dans lesquelles ils ont été réalisés et qui « continuent à ce jour, de faire sentir leurs effets pour le moins, dramatiques, autant sur la population que sur l’environnement ».

« Ces essais constituent des séquelles flagrantes de la colonisation française de l’Algérie. Ils sont également une partie intégrante des questions de mémoire qui continueront à peser sur les relations entre l’Algérie et la France », a-t-il souligné.

Il a qualifié, en outre, ces essais nucléaires de « criminels », imposant à la France, « non seulement un devoir de reconnaissance et d’atténuation des conséquences sur les populations algériennes, mais aussi une obligation de réparation comme ça a été fait ailleurs ».

« C’est l’un des dossiers qui méritent reconnaissance de qualité de crime de guerre et exige réparation », a-t-il dit, ajoutant qu' »il ne s’agit pas d’une seule bataille pour un seul dossier, mais un travail global qui doit aboutir à qualifier tout le colonialisme de crime de guerre et de remettre en cause cette aberration relative aux bienfaits du colonialisme. Quels bienfaits ? », s’est-il interrogé.

Le président du Conseil de la Nation a aussi évoqué les massacres perpétrés par l’armée coloniale à Sétif, Guelma et Kherrata le 8 mai 1945, qualifiant ce crime d' »épisode tragique ayant marqué la politique génocidaire de la France coloniale en Algérie ».

Pour l’Algérie, qui célébrera samedi le 76ème anniversaire de ces massacres, « cette sinistre date reste gravée en lettres de sang versées par des dizaines de milliers de civils qui manifestaient pacifiquement et ont été tués dans des massacres horribles à travers plusieurs villes du pays », a-t-il noté, ajoutant que « ces massacres restent ancrés dans la mémoire collective du peuple algérien car ils démontrent toute la cruauté du colonialisme et ses violations innombrables des droits humains, sans que cela ne soit reconnu par ses auteurs et ses inspirateurs ».

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