L’élection du Maroc à la présidence du CDH de l’ONU : dernier clou dans le cercueil des droits de l’Homme
« On dirait une plaisanterie », « Imposture à l’ONU », « Humour noir à l’ONU », « L’errance des droits de l’Homme à l’ONU », « Tollé au Conseil des droits de l’Homme », « Main basse sur les droits de l’Homme à l’ONU », etc.
Ce sont tous des titres que j’aurais pu choisir pour intituler cet article suite à la grotesque et aberrante élection du Maroc à la présidence du Conseil des droits de l’Homme (CDH) de l’ONU. Mais cela n’aurait été qu’un minable plagiat car toutes ces expressions ont déjà été utilisées par des médias mainstream. Elles l’ont été pour des attaques en règle contre des pays comme la Libye, l’Iran ou l’Arabie Saoudite en réaction à des affaires en relation avec la CDH. La plus ancienne remonte au début du siècle actuel et concerne la Libye et certaines d’entre elles ont été utilisées bien avant que le scrutin ne se tienne au sein du CDH.
Mais pour l’actuelle élection du Maroc, « les Chiens de garde » sont en mode « mute ». Quoi, que s’est-il passé? Rien, niet, nada, walou…
Et une question se pose : sur quelles bases les pays membres ont-ils pu départager les deux pays en lice, l’Afrique du Sud et le Maroc? Comment peut-on même oser comparer ces deux pays?
Le premier, seul pays au Monde à décider de poursuivre Israël devant la justice internationale pour son abominable crime de génocide contre les populations civiles de Gaza et faire valoir le respect des droits de l’Homme dans cette région dévastée. Le second, « abrahamisé » par une normalisation bassement mercantile avec l’État hébreu [1], ne lève même pas le petit doigt contre la sauvagerie israélienne. Pourtant, son monarque n’est-il pas affublé du titre pompeux de président du Comité Al-Qods (Jérusalem), chargé de veiller sur les lieux saints musulmans de la ville alors qu’ils sont régulièrement piétinés par la criminelle soldatesque sioniste?
Le premier a enfanté le sage Nelson Mandela, icône des droits de l’Homme qui s’est battu toute sa vie contre la ségrégation raciale jusqu’à son abolition. Après plus de 27 ans d’emprisonnement, dont 18 dans la sinistre prison de Robben Island, sa lutte et celle de ses compagnons a permis la création de cette nation « arc-en-ciel » qui traine actuellement le bestial état sioniste devant les tribunaux.
Le second, à l’opposé de tout cela et environ à la même période, a créé Tazmamart, la prison de l’ultime horreur pour écraser les opposants au régime makhzénien.
Le premier, ayant vécu pendant des décennies sous un ignoble régime d’apartheid, sait ce que veut dire l’absence de « droits de l’homme » puisqu’il l’a subie dans sa chair.
Le second s’est illustré en 2022 dans un horrible massacre de migrants africains qui a défrayé la chronique mais qui est resté, comme par hasard, incompréhensiblement impuni [2].
Ajoutons à cela d’innombrables exactions imputées au Makhzen à l’encontre de ses citoyens : torture, viol, sévices corporels (Rif, Sahara Occidental, etc.), espionnage de masse (Pegasus), corruption de journalistes, parlementaires et fonctionnaires étrangers (Marocgate) [3].
Comment un tel pays, constamment accusé et condamné pour son piétinement des droits de l’Homme, peut-il PRÉSIDER le CDH de l’ONU?
Dans un rapport du Secrétaire général des Nations Unies datant de 2005 et critiquant la « Commission des droits de l’homme de l’ONU » (1946 – 2006), on pouvait lire [4] :
« Pourtant, l’aptitude de la Commission à s’acquitter de ses tâches souffre de plus en plus de l’effritement de sa crédibilité et de la baisse de son niveau de compétence professionnelle. En particulier, des États ont cherché à se faire élire à la Commission non pas pour défendre les droits de l’Homme mais pour se soustraire aux critiques, ou pour critiquer les autres. La Commission perd donc de sa crédibilité, et la réputation du système des Nations Unies tout entier s’en trouve ternie ».
Ce rapport qui a été à la base de la création du CDH en 2006, tout en mettant fin à la « Commission des droits de l’homme », explique bien l’état d’esprit qui prévalait il y a près de vingt ans : certains états qui cherchent à se faire élire ne le font pas pour défendre les droits de l’Homme, loin de là. Ils le font pour cacher leurs propres violations de ces droits et dénoncer celles des pays qu’ils jugent « ennemis ». Et si cela est valable pour la simple élection au CDH, qu’en est-il alors de l’élection à la présidence de la CDH?
Force est de constater que cet état d’esprit est toujours présent même si le mot « Commission » a été remplacé par « Conseil ». Preuve en est que le Maroc, ce pays expert dans le piétinement des Droits, des Hommes et des droits de l’Homme s’est hissé à la présidence du CDH par on ne sait quelle manœuvre douteuse dont seul ce pays connait le secret.
Il est de notoriété publique que les droits de l’Homme ont été instrumentalisés, via des ONG fantoches, pour déstabiliser des pays. Les récents conflits qui ont ensanglanté plusieurs régions du monde nous ont confirmé que les droits de l’Homme n’étaient malheureusement pas les droits de TOUS les Hommes et que ce concept était à géométrie variable. Ainsi, pour ne citer que cet exemple, nous avons vu une salve de mesures « punitives » qui s’est abattue sur la Russie suite à la guerre contre l’Ukraine. Ces sanctions ont touché les médias, la culture, le sport, l’industrie, le commerce, etc. Même la présidence de la Russie n’a pas été épargnée. Et que s’est-il passé pour les crimes barbares d’Israël? Rien, niet, nada, walou…
Devant la loi de la jungle qui sévit actuellement à Gaza et l’immoralité des massacres aveugles des populations civiles dans ce territoire transformé en centre de concentration, l’ONU a énormément perdu en crédibilité. En permettant au Maroc de présider le CDH, « la réputation du système des Nations Unies tout entier s’en trouve [indélébilement] ternie ».
Les droits de l’Homme gisaient dans un cercueil : on vient aujourd’hui de lui planter le dernier clou.
Par Ahmed Bensaada
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[1] Ahmed Bensaada, « Washington – Rabat : le deal des scélérats », ahmedbensaada.com, 13 Décembre 2020, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=539:2020-12-13-06-30-01&catid=46:qprintemps-arabeq&Itemid=119
[2] Ahmed Bensaada, « Le Maroc à la présidence du Conseil des droits de l’Homme : est-ce une farce? », ahmedbensaada.com, 2 janvier 2024, http://www.ahmedbensaada.com/index.php?option=com_content&view=article&id=644:2024-01-03-00-09-04&catid=48:orientoccident&Itemid=120
[3] Ibid.
[4] Rapport du Secrétaire général des Nation Unies, « Dans une liberté plus grande », Septembre 2005, https://www.un.org/french/largerfreedom/five.html